
Dans le dernier numéro du bulletin communal (qui devrait, à l’heure de mettre cet article en ligne, être distribué ou en cours de distribution), rubrique « Paroles aux élus », vous avez pu découvrir le texte suivant :
Retour sur nos finances communes
Voici quelques semaines que plusieurs citoyen.ne.s nous interpellent sur l’état des finances communales. Il n’y aurait « plus de sous » dans les caisses ? Petit retour sur ce sujet central. Lors du dernier conseil, les élu.e.s ont approuvé le budget 2023. Depuis toujours, celui-ci est discuté préalablement en collège et en commission. Depuis 2018 néanmoins, les choses ont quelque peu changé. Notre groupe ne se contente plus d’une réflexion « au présent » mais procède à des projections sur plusieurs années : comment les finances encaisseront-elles les nouveaux taux d’emprunts ? S’attend-t-on à ce que les moyens attribués aux communes augmentent ? Etc.
C’est sur base de ce travail que nous avons alerté les autres groupes politiques. Si nous menons tous les projets envisagés, nous risquons fort de nous ôter toute liberté d’action future. Mais qu’en est-il à ce jour (les derniers chiffres arrêtés sont ceux de 2021) ? A la clôture du compte 2021, les fonds propres disponibles restaient proches de 3,5 millions d’euros tandis que les dépenses de fonctionnement ont diminué en 2019 et en 2020. Nous ne souhaitons cependant pas tomber dans le piège des réponses trop courtes aux questions complexes ni nous dédire en prétendant que « tout va très bien »…Nous avons décroché pas mal d’appels à projets subsidiés mais il faut maintenant gérer l’impact futur de la part non subsidiée de tous ces projets.
En suivant le lien ci-dessous, vous trouverez une présentation évolutive des comptes depuis 2015 (ainsi que nos projections futures et les grands projets sur la table). Reste à se demander pourquoi certain.e.s relaient ces raccourcis. Ne savent-ils pas ou ne veulent-ils pas faire la différence entre « ce qui est » et ce qui « risque d’advenir si nous n’agissons pas » ? Il est vrai que la transparence financière, le débat collectif et la réflexion long-terme sont dans l’ADN de notre groupe, peut-être moins chez d’autres.
Chose promise, chose due, il était temps de se retrousser les mitaines (en cette période de refroidissement hivernal) pour « débunker » les raccourcis/confusions que certains relayent et qui se répètent immanquablement.
OUI, la situation actuelle (année 2022/2023) et future nous préoccupe. OUI, il vaut mieux se préparer au pire plutôt que de s’y confronter quand il est trop tard.
Mais … NON, la commune n’est pas exsangue.
Si une simple image vaut mieux qu’un long discours, il est souvent compliqué – voire impossible – de résumer des sujets complexes en un schéma et/ou une publication en 140 caractères. Voici donc un tour d’horizon, graphiques et chiffres à l’appui, des comptes communaux.
Vous trouverez dans cet article :
1. une présentation évolutive des données clef pour appréhender les comptes ;
a) dépenses/recettes et boni globaux
b) focus sur les postes de dépenses ordinaires
c) évolution des dépenses d’investissement
d) état des réserves communales
2. une présentation des projets majeurs poursuivis ou lancés depuis décembre 2018 ;
3. quelques projections budgétaires pour les années à venir ;
4. et pour clore, deux petites précisions méthodologiques.
Afin de vous permettre de naviguer directement vers les parties qui vous intéressent (le plus), chaque paragraphe ou titre reprend en gras le thème principal abordé.
1. Evolution des comptes de 2015 à 2021
Nous avons choisi de vous présenter quelques données-clés pour appréhender l’évolution des comptes communaux (lors de la rédaction de cet article, nous ne disposons pas encore des comptes 2022) :
– l’évolution des dépenses et recettes ordinaires totales (exercices propres + antérieurs) et l’évolution des boni qui en découlent ;
– l’évolution des différents postes de dépenses ordinaires ;
– l’évolution des dépenses d’investissement (« l’extraordinaire ») ;
– l’évolution des trois fonds de réserve existants.
a) Dépenses et recettes totales – évolution des boni
Impossible de rentrer dans une présentation des comptes sans vous partager les données les plus générales : combien la commune engrange-t-elle et dépense-t-elle chaque année pour son fonctionnement ordinaire (hors investissements, donc) ?
Quel bénéfice (boni) cela permet-il de dégager chaque année (permettant de constituer le bas de laine communal) ?


Ces données générales ne permettent pas de rentrer dans le détail. On peut toutefois noter que les boni évoluent fortement d’une année à l’autre (2 années « stables » sur 6) et que la tendance générale est à la baisse (les dépenses augmentent donc plus rapidement que les recettes).
Quels sont les leviers d’action à la disposition d’une commune (l’endettement/des comptes en négatif étant impossible) ? Augmenter les recettes et donc la fiscalité (exercice effectué en début de législature) et réduire nos dépenses tout en assurant notre mission fondamentale : le service (au) public.
Focus sur les postes de dépenses ci-dessous.
b) Evolution des postes de dépenses ordinaires
Les dépenses de l’exercice ordinaire se ventilent en 4 domaines principaux :
– les dépenses de personnel ;
– les dépenses de transferts (financement des structures de sécurité collective : pompiers, CPAS, police, pour la majeure partie) ;
– les dépenses de dette (remboursement des emprunts) ;
– les dépenses de fonctionnement (charges, matériel, frais postaux, etc.).
Focus « personnel »

On peut observer une augmentation constante de ces dépenses. A moins de licencier les membres de l’administration et/ou de ne pas les remplacer (lors du départ à la retraite), il en va toujours ainsi. Notre choix est de ne pas chercher à réduire ce poste : le service public et le bon fonctionnement communal passe avant tout par ses employés. Au contraire même, nous avons fait le choix, depuis 2018, d’engager du personnel davantage qualifié (en terme de formation de base) à différents postes.
Ceci explique en partie la « pente » qui s’accélère sur les dernières années (2018 à 2021). Il faut également tenir compte de l’inflation qui impacte les salaires (une tendance avec laquelle nous n’en avons sans doute pas terminé).
Focus « transferts »

S’agissant de financements à des structures partagées avec d’autres communes (pour la zone de secours DINAPHI et la zone de police de la Haute-Meuse) ou de missions transférées du fédéral ou de la commune elle-même (pour le CPAS), il nous est impossible de décider de réduire ces dépenses à notre guise (et, sans doute, tant mieux). Les marges de manœuvre se discutent au sein des conseils qui coordonnent ces organismes et que le conseil communal approuve ensuite.
A noter, les provinces se sont investies de plus en plus massivement dans le financement des zones de secours, ce qui permet de contenir l’augmentation de ce poste de dépenses. Toutefois, puisqu’elles ne cultivent pas non plus l’argent sous serre, elles ont dû réduire leur soutien à d’autres secteurs qui se reposent davantage désormais sur les communes (effet de « vases communicants »).
Focus « dette »

Les dépenses de « dette » portent bien leur nom : il s’agit de la charge de remboursement des emprunts contractés par la commune.
Petite particularité communale : il est interdit de « rouler sa dette » comme la plupart des autres niveaux de pouvoirs publics le font (états, régions, …). Il n’est d’ailleurs pas possible de contracter d’emprunt pour quoi que ce soit d’autres que des investissements.
Les communes doivent donc entrer en « dépense » la ventilation de leurs emprunts (capital et intérêts) pour les années concernées.
Renouveler un emprunt arrivé à terme par un autre de même charge totale et pour une même période n’a donc pas d’impact sur les finances communales. En revanche, lorsqu’une commune historiquement peu endettée comme Yvoir commence à en contracter, l’effet sur les dépenses est immédiat. Nous y reviendrons dans les « projections futures ».
Si une commune peut choisir de ne pas contracter d’emprunt, elle ne peut évidemment pas réduire ses dépenses liées à ceux déjà en cours. Nous avons fait le choix de profiter de taux d’intérêts historiquement bas pour contracter un pack d’emprunts de 1.017.539 € en décembre 2021.
Focus « fonctionnement »

Pour les raisons exposées ci-dessus (assurer la qualité des services communaux au public, assumer nos obligations, …) c’est sur ce poste de dépenses que nous avons choisi, dès 2018, de focaliser notre attention et notre action.
Il s’agissait de rationaliser ce qui pouvait l’être sans impacter la qualité de travail du personnel (recours à des centrales d’achats permettant des prix plus attractifs, mise à jour des outils de travail, etc.). L’effet de cette politique est visible dès 2019. Cette évolution a aussi été en partie « facilitée » par les épisodes COVID que nous avons connus.
On note qu’en 2021, l’inflation (5,71%*) est venue remettre un coup d’accélérateur à ce poste de dépenses. Il y a fort à parier que les années suivantes ne soient pas plus réjouissantes. Néanmoins, sans ce travail de fond, la situation future serait bien plus difficile à encaisser (il suffit d’imaginer l’évolution de ce graphe si la pente initiale s’était poursuivie).
c) Evolution des dépenses d’investissement

Ce graphique permet de constater que les dépenses d’investissement sont restées plus que « maîtrisées » depuis la nouvelle législature. Ceci s’explique très simplement puisque la plupart des projets poursuivis ou lancés depuis décembre 2018 n’ont pas encore aboutit.
De plus, la crise sanitaire, encore elle, a donné un coup de frein à plusieurs projets importants qui sont en cours de réalisation actuellement.
d) Evolution des réserves communales
En comptabilité communale, trois fonds différents composent les « réserves :
– le FRO « fond de réserve ordinaire » (fond dans lequel basculaient classiquement les boni accumulés et permettant d’alimenter le FRE)
– le FRE « fond de réserve extraordinaire » (fond servant à financer les projets d’investissement)
– les provisions (fond dans lequel basculent désormais les boni accumulés, permettant d’équilibrer les comptes ultérieurs si nécessaire et d’alimenter le FRE)
Comme vous pouvez le constater sur les graphiques ci-dessous, nous avons choisi de transférer le FRO en provisions puisque ce fond permet d’avantage de « fonctionnalités » (en permettant un équilibrage des comptes ordinaires). Le graphique le plus révélateur est sans doute le dernier : celui qui agrège les trois fonds.




Les chiffres parlent d’eux-mêmes (les graphiques de surcroît) : à moins d’une bonne dose de mauvaise foi ou de n’avoir même pas jeté un œil à la situation actuellement connue, il est impossible d’affirmer qu’il n’y ait « plus de sous ».
On peut constater que la chute la plus importante est celle qui va de 2015 à 2018 (précédente législature) alors que depuis 2018, les réserves sont globalement stabilisées.
Petit point d’attention néanmoins : au fil des exercices (propres et antérieurs) et des boni ainsi générés, certaines sommes s’accumulent sans être directement reversées sur un de ces trois fonds de réserve.
En tenant compte de ces différents mouvements, on peut affirmer que les réserves de la commune ont baissé de 400.000€ depuis la nouvelle législature et s’élèvent à environ 3.500.000€.
Mais quels sont les principaux projets que nous devrions financer dans les années à venir ?
2. Projets d’investissement majeurs
Vous trouverez ci-dessous une carte reprenant les principaux projets poursuivis/lancés depuis le début de cette législature. Vous n’y trouverez que les constructions ou rénovations importantes de bâtiments. Ce sont les projets les plus coûteux et qui pourraient peser le plus, une fois terminés, sur les finances communales ordinaires (hors montages type « convention de gestion », « régie communale autonome », etc.).
D’autres investissements sont nécessaires et continuent d’être menés (voiries, égouttage, entretien du patrimoine existant, etc.) mais il est tout à fait impensable de s’en passer : dégradation progressive des biens communaux (donc surcoûts futurs) ou des routes (avec les impacts que cela engendre sur les usagers), etc.
Nous avons également impulsé plusieurs projets de mobilité via quelques appels régionaux, décrochant ainsi d’importants subsides, qui se répartissent sur l’ensemble de l’entité : Plan d’Investissement Mobilité Active Communal et Intermodalité (PIMACI), Plan d’Investissement WAllonie CYclable (PIWACY) ou encore l’appel « mobilité active » 2019.
Que ce soit en terme de voiries, mobilité partagée ou entretien du patrimoine, la liste des projets étant tellement longue et leur coût, pris individuellement, bien moindre : nous ne nous étendrons ici pas davantage à ce sujet.

N.B. : lorsque les « subsides » sont soulignés en vert, cela signifie qu’ils sont acquis.*
[*Petite précision concernant la carte, après retour d’une lectrice : concernant le complexe sportif à Godinne (sans rentrer dans les termes techniques), un premier « signal positif » a déjà été rendu à la commune concernant les subsides. Ceux-ci ne sont cependant pas encore certains.]
Dans les premières années de la législature, les conditions financières internes (stabilisation des réserves communales et des dépenses de fonctionnement) comme externes (conditions d’emprunt très intéressantes, inflation sous contrôle) ainsi que les choix politiques fixés (réduction de certains projets surdimensionnés, révision à la baisse des espoirs initiaux pour d’autres) permettaient d’être optimistes quand à la bonne conduite de ces différents projets.
Toutefois, plusieurs changements de contexte sont survenus depuis 2021, comme cela ne vous aura certainement pas échappé :
– explosion des coûts de l’énergie (donc des dépenses de fonctionnement) ;
– augmentation sensible des taux d’intérêts ;
– forte inflation impactant les prix des matériaux mais aussi les dépenses de personnel (indexations).
Sans attendre 2024 ni la réalisation de ces différents projets, il y a fort à parier que les comptes 2022 refléteront déjà l’impact de ces changements.
3. Projections futures
Lors de la préparation du conseil de décembre 2022 durant lequel nous devions approuver le budget 2023, nous avons alerté nos partenaires de majorité sur les perspectives futures inquiétantes.
Un modèle a été réalisé pour les prochaines années partant des hypothèses suivantes :
– tous les projets envisagés sont menés à terme ;
– les montants résiduels (après subsides et utilisation des réserves) sont couverts par emprunt ;
– la situation économique globale suit sa trajectoire actuelle sans nouvelle crise majeure → les recettes et les dépenses communales ont été indexées suivant la moyenne des dernières années.
En réalisant ce type de modélisation, on se rend rapidement compte du grand nombre de paramètres qui interviennent dans le résultat global de la commune. Outre les éléments évoqués, il faut encore citer les investissements futurs parfois liés à des circonstances imprévisibles (situation d’urgence, etc.), la stabilité des recettes fiscales toujours dépendantes de la conjoncture économique globale, …
Comme tout modèle, il ne s’agit que de projections et d’hypothèses : personne ne dispose d’une boule de cristal. Ces projections restent néanmoins interpellantes.
En quelques années, pour peu que quelques-uns des facteurs évoqués ci-dessus soient mal orientés et/ou défavorables aux finances communales et compte-tenu du caractère incompressible de la plupart de nos dépenses mais aussi du poids croissant de la charge de la dette, les comptes communaux pourraient être, de manière durable, dans le rouge et les provisions constituées, éclusées.
Sans verser dans le catastrophisme, il ne nous semble pas opportun de miser sur un renversement de la situation dans les prochaines années ni de compter sur des apports financiers extérieurs importants. Les dotations aux communes ne devraient pas augmenter drastiquement dans les prochaines années ni l’inflation (et particulièrement le prix de l’énergie) retomber rapidement à son niveau pré-covid.
Le moment nous semble venu de poser sur la table chacun des projets envisagés et de peser le pour et le contre. Quels besoins fondamentaux ne peuvent pas être abandonnés ? Quels sont les coûts et les bénéfices de chaque projet ? Quels sont les besoins et les attentes de la population ?
En bref : poser des choix éclairés sans oublier nos missions fondamentales.
Assurer un service public et un espace de vie qualitatif tout en se laissant de la marge de manœuvre pour la prochaine législature.

4. Précisions méthodologiques
Pourquoi remonter à 2015 et pas au-delà ?
Tout simplement parce que les premiers comptes présentés au conseil communal depuis les dernières élections sont ceux de l’année 2018. Hors, chaque année, une synthèse analytique (réalisée par le service finance et supervisée par la directrice financière) est réalisée et jointe aux comptes. Celle-ci reprend les données des années antérieures.
La synthèse de 2018 remonte à 2015 tandis que celle de 2021, la dernière en date à ce jour, remonte, elle, à 2018.
En deux documents publics, issus de l’administration, nous pouvons donc rassembler et vous partager les données de 2015 à 2021.
Comment vérifier les données avancées dans cet article ?
Vous pouvez télécharger la synthèse analytique de 2021 en cliquant sur : ce lien.
Vous pouvez télécharger la synthèse analytique de 2018 en cliquant sur : celui-ci.
Si vous rencontrez des difficultés pour télécharger les documents complets, n’hésitez pas à envoyer un e-mail à l’adresse suivante : alexandre.visee@yvoir.be.